Cubbyhole's contexte

Posé dans mon fauteuil de président narcissique, me correspondant à merveille, j'hoche la tête. Ceci étant, bien entendu, à comprendre comme un bonjour à l'une de mes poules aux oeufs d'ors. Certes, rares, sont celles qui au départ, se montrent d'une docilité exemplaire. Il suffit pourtant de quelques valiums pour les assagir. Le spécimen ici présent, s'installe dans la cage en cuir matelassé que je lui ai préparée, histoire de caqueter à l'aise. La machine se met en branle, minuteur lancé et gribouillis sur le carnet. Prendre des notes ? Mais vous pensez qu'on les écoutes vraiment chouiner ? Par pitié ne soyez pas naïfs. D'une oreille distraite, quasi fuyante, j'écoute ses déboires en forme de castings ratés, de photo-shoots bidons et de soirées hypes auxquelles il n'a pas été convié. Un sourire sarcastique, infime, m'échappe une seconde lorsque j'entend l'intitulé de l'une d'elle. J'y étais moi, et je me suis royalement emmerdé. C'est là-bas d'ailleurs que j'ai rencontré ma dernière distraction en talons. Blonde et belle à la californienne, le Q sans le I, qu'importe, ça n'empêche pas de tremper son biscuit. Je fronce les sourcils, ce que l'idiot à l'horizontal prend certainement pour d'intenses réflexions sur son malheur en carton. Mais ce qui m'indispose alors, est d'imaginer qu'elle ose me re-sortir ce soir sa robe fuseau noir, Chanel recyclé approchant plutôt d'H&M que des défilés. Pas moyen alors de payer la note si j'ai pas une pipe sous la nappe en bonne et due forme. En parlant d'être sucé, j'augmenterai bien le temps de séance de l'autre crétin qui palabre depuis dix minutes sur les chiures trop liquides de son chat angora. Une demi heure en plus pour cent dollars d'ajoutés à la note, une boîte de stilnox pour faire passer la pilule et j'me paie une week-end au Mexique. T'façon j'ai besoin de changer de pétasse, j'frise la dépression. “ Docteur, vous pensez que… Les médicaments que vous m'avez donnés ... sont assez forts ? ” Mes yeux s'allument, un intérêt, purement scientifique, pour ce rat de labot' luxueux venant instantanément d'être réveillé. “ Vous faites bien de soulever la question, heum… Jack… ” “ Kalvin… ” Que veut-il que j'en sache ? Ce genre de connaissances, humaines, c'est à ma secrétaire de s'en charger. Je ne la paie pas seulement pour faire du gringue au producteur de série B qui vient parfois récupérer son ordonnance d'anxiolytiques divers. “ Kalvin oui, oui. Je pensais donc, à vous proposer d'augmenter les doses. Je sens que vous êtes assez surmené, votre investissement pour votre avenir vous angoisse. Vous serez d'autant plus productif en réussissant à faire disparaître, ce stress. Bien sûr ça ne remplace pas la valeur, indispensable et salvatrice, que les confessions durant les séances vous apportent. Que diriez vous de passer à des rendez-vous de deux heures ? Je suis très occupé, mais, pour vous, je vais pouvoir me débrouiller. ” Ne pas lui laisser le temps d'hésiter ni de répliquer, valoriser sa dépression monstrueusement commune, c'est ainsi que le mouton dodeline de la tête, la bave aux lèvres. Il me remercie et se lève, s'approchant pour me serrer la main. J'esquive en refermant mon bloc-note où des silhouettes féminines se baladent en ombres chinoises. Un nouveau casting, pour une publicité me dit-il alors, comme un secret partagé entre frères. Bon dieu oui, j'ai besoin de ce week-end au Mexique moi.


Partout les corps étaient pesés comme à l'étal d'un marché. Tout le monde voulait être unique, mais en réalité tout le monde avait envie de ressembler à la même couverture de magazine. Et les sentiments n'entraient guère en ligne de compte. On croyait tomber amoureux, alors qu'on obéissait à une campagne Guess. On était entré dans l'ère de l'inhumanité sexy. Les gens devenaient complètement dingues depuis que l'égocentrisme était devenu l'idéologie dominante. Les publicitaires qui décrétaient le look mondial disposaient d'une capacité de frappe historique sans précédents. Les investissements annuels en achats d'espace auraient pu supprimer dix fois la faim dans le monde mais on estimait plus urgent de matraquer des visages pour que les marques de luxe restent dans le " top of mind " des affamés. Je crois qu'une large majorité de jeunes désiristes auraient acceptés de se déclarer une nouvelle guerre pour une parution dans le prochain numéro de Vogue.

contexte par smoky doe, idée d'ambiance par wander lust, citation de Fréderic Beigbeder. Toute reproduction partielle ou complète est strictement prohibée.